Il y a un parachutiste accroché au clocher de cette église. Je dis cela pour vous, qui participez à cette messe par la télévision, car naturellement les paroissiens de Sainte-Mère-Église sont au courant. Ce parachutiste se nomme John Steele ; il est originaire de Metropolis, qui est une petite bourgade de l’Illinois, et il est là depuis la nuit du 6 juin 1944.

Le parachutiste de Sainte-Mère-Église est peut-être le plus inattendu, le plus joli et le plus amusant des monuments commémoratifs de la Seconde Guerre mondiale. Les cimetières militaires qui nous entourent sont beaux, mais ils sont nettement moins amusants. Et la guerre, la vraie guerre, n’était pas amusante du tout.
C’est une des grandes énigmes de l’histoire : cette propension qu’ont les hommes à se faire la guerre. Comme s’ils en oubliaient l’horreur. Ce processus recommencé de génération en génération, comme si les ruines de la guerre précédente n’enseignaient rien. Qu’y a-t-il dans le cœur de l’homme qui le pousse dans la guerre ? 
Je me le demande souvent. Qu’est-ce qui a poussé à ce que nous avons vu, à ce que nous voyons en Ukraine, en Arménie, en Afrique ? La jalousie, la colère, la frustration ? Peut-être cette tentation si particulière, si profondément ancrée dans le cœur des hommes de résoudre leurs problèmes par la violence, par la destruction, par la soumission d’autrui. Quand une personne vous résiste, détruisez cette personne. Et cela ne passe pas toujours par les armes. Nous le voyons en politique, nous le voyons au travail, nous le voyons même, hélas, dans nos familles. Nous connaissons tous ce moment où, sans que nous sachions exactement pourquoi ni comment, nous entrons en guerre. Le moment où il nous semble qu’il faut que l’autre soit vaincu.

Et c’est une grande tentation. Nourrie d’illusion, comme toutes les tentations. Peut-être, en vérité, la victoire n’existe-t-elle pas. Ce qui peut exister, c’est la paix, et c’est tout différent.

La victoire célèbre l’anéantissement de l’autre, ou au moins de ses prétentions. La paix reconnaît l’autre. Elle lui redonne droit à être.

La paix demande du travail. La paix est difficile. On cède à la guerre, on construit la paix. La guerre est une tentation, la paix est un effort. Pour ne pas céder à la tentation de la guerre, il faut un grand effort. Pour serrer la main à celui que l’on aime pas et que l’on a de bonnes raisons de ne point aimer, pour se réconcilier avec lui, pour accepter de vivre, si je puis dire, dans son ombre, il faut être fort. 

Il faut être fort aussi pour construire une famille, une amitié, une société où des tempéraments et des intérêts différents ne cessent de se heurter. 

À dire vrai, cela demande tellement de courage et de persévérance qu’il est probable que nous ne pouvons pas, nous autres, hommes et femmes, avec les limitations de notre pauvre humanité — que nous ne pouvons pas y parvenir par nous-mêmes. Tout à l’heure, nous allons prier pour la paix. Les chrétiens ne prient pas pour la paix parce qu’ils ont le tempérament fleur bleue ou moutonnier ; ils prient pour la paix parce qu’ils demandent au Seigneur la force de ne pas céder à la guerre, la force de faire la paix. La force que Lui seul peut donner. 

Le plus beau jour, avec tout le respect qu’on doit à ce soldat, n’a pas été celui où John Steele a sauté sur Sainte-Mère-Église. Le plus beau jour a été celui où, ici même, dans cette même église, le petit-neveu de John Steel a serré la main au petit-fils de Rudolph May, le soldat allemand qui était en poste sur le toit. Ce jour-là, notre humanité s’est hissée au-dessus d’elle-même, s’est enfin placée là où Dieu l’attend, dans le courage de l’amitié.
 

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 Existe-t-il une guerre juste ?

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