Après la Pâques du Seigneur, ce qui se passe avec Thomas se déroule, dans l’évangile de Jean, sur une semaine.
Dans le texte proclamé lors de cette liturgie, cette semaine est décrite avec abondance de détails, qui ont inspiré des générations d’artistes. Pour nous florentins, il est spontané de penser à la sculpture d’Andrea del Verrochio dans l’église d’Orsammichele :
dans cette main tendue jusqu’à vouloir entrer dans les blessures du Christ ressuscité, il y a toute l’aspiration de l’homme à une certitude qui efface tout doute.
Il serait cependant injuste de confiner la figure de l’apôtre Thomas dans le cadre de l’homme qui doute : en effet, Thomas, dans l’évangile de Jean, est aussi le disciple courageux qui exhorte les amis à ne pas craindre de suivre le Seigneur qui, par la décision d’aller à Béthanie pour la mort de Lazare, se dirige consciemment vers la croix : « Allons, nous aussi, mourir avec lui ! », dit Thomas (Jn 11,16).
C’est encore lui, Thomas, le disciple qui fait preuve de désirer suivre fidèlement Jésus, en s’estompant contre ses propres limites : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas ; comment pourrions-nous connaître la voie ? » et il entend le Maître lui répondre : « Moi je suis la voie, la vérité et la vie.
Personne ne vient au Père que par moi » (Jn 14,5-6).
Thomas est tout cela et tout cela c’est nous : pétris de certitudes et de doutes, de courage et d’hésitations, de sûreté et de recherche. Mais de chacune des situations que nous venons de rappeler, il ressort un contact direct entre Thomas et Jésus : Jésus à chercher, à reconnaitre, à qui se confier, avec qui partager. C’est celle-ci la condition du disciple, qui doit chaque jour se mesurer avec la grandeur du Seigneur, mais aussi avec son désir de lui et sa confiance en lui.
Et si du niveau de la narration, où nous situe l’évangile, on se déplace vers celui de la réflexion théologique et spirituelle, nous rejoignent alors les paroles de l’apôtre Pierre.
Nous savons, en effet, que Dieu, le Père, « dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts, pour un héritage qui ne connaîtra
ni corruption, ni souillure, ni flétrissure » (1Pt 1,3-4).
Par le don pascal de la vie nouvelle, saint Pierre exhorte à la joie, sans cacher qu’elle demeure dans la précarité, personnelle et sociale, non sans fragilités et épreuves. Nous l’expérimentons chaque jour et nous en observons, effarés, les manifestations destructrices, jusqu’au drame de la guerre.
L’effarement, cependant, ne faiblit pas l’espérance. Giorgio La Pira affirmait : « S’il est vrai, comme il est vrai, que le Christ est ressuscité, alors l’histoire globale du monde a un sens, une direction et une finalité bien définie ». Et, avec Saint Paul, il répétait : « Spes contra spem », espérer au-delà de toute espoir.
Reconnaître la joie de Pâques dans la condition faible de notre humanité est essentiel afin que puissent résonner, pour nous aussi, dans la vérité, les dernières paroles de l’apôtre : « vous l’aimez, Jésus Christ, sans l’avoir vu ; en lui, sans le voir encore, vous mettez votre foi, vous exultez d’une joie inexprimable et remplie de gloire, car vous allez obtenir le salut des âmes qui est l’aboutissement de votre foi » (1Pt 1,8-9). Ressort ici l’enjeu de croire et, par conséquent, d’aimer : croire et aimer sans avoir vu, c’est le sujet qui domine ce dimanche de l’octave de Pâques.
Mais, comment est-il possible de croire et d’aimer sans avoir vu ? L’évangile de Jean donne une réponse claire à cette question.
Dès le début, voir n’a jamais été suffisant si l’œil de la foi n’est pas nourri de la parole des Écritures saintes. En même temps, la parole ne suffit pas, parce que si elle demeure seule, elle risque de devenir idéologie : il faut qu’elle soit fondée sur la vision de quelqu’un, les Douze apôtres, et que tout le monde soit en mesure de puiser à leur témoignage crédible ; c’est la tradition apostolique et la tradition de l’Église.
Sur cette mission, une vive lumière nous vient des Actes des Apôtres, où Luc a voulu tracer les traits fondamentaux de l’Église : nourrir la foi, dans la fidélité à l’enseignement des apôtres ; tisser des relations de fraternité pour une vraie communion ; poser des gestes de charité et de service pour tous, surtout pour les plus pauvres et ceux qui souffrent ; vivre dans la prière de louange et de demande au Père ; faire mémoire du don d’amour du Christ dans l’eucharistie ; être dans le monde une présence qui suscite attention et émerveillement pour la grandeur du message de l’évangile. Prions pour une Église, dont le visage manifeste de plus en plus ces traits.
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