Frères et Sœurs,

Comme les foules dans l'Evangile de ce dimanche (que nous venons d'entendre), laissons-nous regarder par le Christ. Aimer, cela commence par se laisser regarder. C'est accepter d'être vulnérable devant l'autre. Certes, il y a des regards qui jugent et qui condamnent. Il y a même des regards qui tuent. Mais il y a surtout des regards qui disent la compassion et qui dilatent le cœur de l'homme et de la femme aux dimensions de la tendresse.

Laissons-nous rejoindre par ce regard de Jésus qui se fait miséricorde et compassion, "lent à la colère et plein d'amour" (comme dit l'Ecriture). Laissons-nous aimer jusque dans nos fragilités qui sont aussi nos lieux de vérité.

Ces foules de l'Evangile, dit Jésus, sont "abattues et désemparées comme des brebis sans berger". Avez-vous vu ces foules anonymes de nos villes et de nos cités où les regards se croisent ou se fuient sans se rencontrer ? Avez-vous vu ces foules qui avancent sans trop savoir vers où elles marchent ? Quand règne l'anonymat, il suffit de peu pour déclencher la peur et la violence.

Comment nous regardons-nous ? Dans la lumière de l'Evangile, nous voulons nous laisser regarder par le Christ et nous regarder les uns les autres avec des regards de la tendresse et de la joie partagée; de l'appel à aimer et à se laisser aimer. Au commencement de l'amour, très souvent, un regard suffit !

Que ceux qui, parmi nos auditeurs, sont des malvoyants se reconnaissent aussi dans cette rencontre du Christ. Car au-delà de nos yeux de chair, il y a ce regard du cœur qui voit avec les yeux de l'amour. Et ce regard est pour tous !

Et puis, il y a ces Paroles du Christ s'adressant à ses disciples: "La moisson est abondante et les ouvriers sont peu nombreux". Je crois que les ouvriers seront toujours trop peu nombreux pour la simple raison que la moisson sera toujours très abondante. Et heureusement !

Je n'aime pas trop parler de "crise des vocations". Je préfère parler de la crise de la réponse à l'appel, à la vocation adressée par le Christ. Dieu ne cesse d'appeler et ce ne sont pas ceux qui seront ordonnés prêtres ou diacres dans nos diocèses durant ces prochains jours qui me démentiront. (Et sachez que nous sommes en profonde communion de prières avec vous). L'important, je crois, pour "entendre" l'appel de Dieu, c'est de ne pas se tromper de fréquence et d'être sur la bonne longueur d'ondes.

Je crois profondément que la vie prend sens et revêt toute sa beauté lorsqu'elle est vécue comme une réponse à l'appel de la vie et à l'appel de l'amour. Nous ne sommes pas à nous-mêmes la source de notre vie. Personne d'entre nous, que je sache, n'a demandé à venir au monde. La vie est un don, un cadeau qui, certes, peut aussi devenir un fardeau. Mais fondamentalement, la vie est don .... et don gratuit reçu sans aucun mérite. C'est dans la reconnaissance de ce don que s'inscrit, alors, notre liberté de vivre, et, par là-même, notre liberté de suivre le Christ et de répondre à son appel.

Comme chrétiens, nous ne sommes pas les membres d'un troupeau grégaire suivant un gourou. Rappelons-nous l'Evangile de ce jour. Chacun des Apôtres est appelé par son prénom, c'est-à-dire par ce qui fait son identité profonde. C'est donc aussi chacun de nous que Jésus, le Christ, appelle par son prénom. Mais sachons-le: le Christ ne nous appelle vraiment que ce pour quoi nous sommes faits. Et dans sa façon de faire résonner cet appel, l'Eglise - et ses responsables - ne peut pas agir autrement. C'est, je crois, le meilleur service à rendre à l'Eglise et à chacun de celles et ceux qui veulent, aujourd'hui, devenir disciples du Christ.

Un des "critères" qui vérifie, en quelque sorte, la qualité de notre réponse et qu'elle s'inscrit dans le souffle de l'Evangile, c'est la joie qui rayonne dans le cœur de ceux qui se reconnaissent comme les disciples du Christ. La joie ... non pas la facilité mais cette joie parfaite qu'il faut souvent aller puiser aux nappes phréatiques de notre vie et qui jaillit comme une source capable d'abreuver nos soifs de l'essentiel, c'est-à-dire toutes nos soifs d'absolu.

Oui, la moisson est abondante et les ouvriers seront toujours trop peu nombreux. Mais il y a une place pour chacun pour participer à la croissance du Royaume de Dieu avec ses charismes et dans l'humble reconnaissance de ses limites.

Et voici que Jésus les envoie proclamer que le Royaume de Dieu est proche, est "tout proche". Mais Il avait commencé par leur demander de ne pas aller vers les nations païennes ajoutant même "de n'entrer dans aucune ville de Samarie". 

Le Royaume de Dieu ne serait-il pas pour tous ? Y aurait-il des nations indignes de recevoir la Bonne Nouvelle ? Tous les auditeurs et téléspectateurs de cette messe télévisée ne seraient-ils pas tous invités à participer à la vie du Royaume de Dieu ?
Certes oui. Sans doute Jésus veut-il dire que lorsque "le peuple élu" (le peuple hébreu) aura répondu pleinement à son appel, il pourra aller, à son tour, vers les autres nations. Étape par étape, pourrait-on dire car l'Evangile est là pour attester que la Samaritaine au bord du puits et le Bon Samaritain de la parabole font pleinement partie des fréquentations et rencontres de Jésus.

C'est vrai que l'Evangile est pour tous. En tout cas pour tous ceux qui ne le refusent pas car l'accueil de l'appel de Dieu suppose toujours notre liberté. Méfiez- vous de toute démarche religieuse qui voudrait s'imposer par la contrainte.

Avez-vous entendu que la mission des disciples du Christ est de donner la vie et la santé ( le « Salut ») . Les disciples sont invités à ne jamais pactiser avec le mal mais de devenir, avec le Christ, les artisans d'un monde enfin réconcilié, unifié et apaisé, aussi proche que possible du Royaume de Dieu. Et cela, dans la gratuité de l’amour. 

Mais c'est vrai aussi, pour vous comme pour moi je crois, que répondre "oui" à l'appel du Seigneur n'est pas ce qu'il y a de plus difficile. Car il y a l'enthousiasme et l'émerveillement devant tout ce qui commence et recommence. Ce qui est le plus difficile, ce sont tous les "non" qui découlent de ce "oui". Ce sont tous les renoncements qui font qu'il n'y a pas de choix sans renoncement.  Non pas par masochisme mais pour vivre, en liberté et en harmonie avec ce que nous sommes, la mission qui nous est confiée.

A la façon de ces chemins symbolisés ici dans le chœur de l'église Sainte Aix, puissions-nous -aujourd'hui- mettre nos pas dans ceux du Christ et, avec Lui, poser notre regard sur notre monde illuminé par tant d'hommes et de femmes qui veulent faire de notre terre ... une terre fraternelle et habitacle, belle et admirable. C’est "notre maison commune " dont parle le pape François dans son encyclique "Laudato Si" (2015)

La moisson est abondante et les ouvriers y seront toujours trop peu nombreux. A nous de nous inscrire dans la joie de cette mission de disciple.

 

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 Génération Laudato Si'

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