Dans les années 90, un tube a fait fureur. Il avait pour titre « Chacun sa route, chacun son chemin », et beaucoup de ceux qui étaient adolescents à cette époque se souviennent qu’il était difficile de se le sortir de la tête.
Aujourd'hui, il est bien question de chemin. La triple identité que Jésus livre de lui-même dans l’Évangile entre en résonnance avec ce tube du siècle dernier : « Je suis le chemin, la vérité, la vie ».

En effet, cette chanson de reggae, sous son aspect joyeux et sympathique, est un véritable programme philosophique et anthropologique qui pourrait presque reprendre les trois mots du Christ : « chacun son chemin, chacun sa vérité, chacun sa vie ». Ce sont des expressions que nous entendons régulièrement dans les conversations.
L’idée semble généreuse : il s’agit de préserver l’identité de chacun. Nous sommes uniques et nous n’aimons pas entrer dans des moules qui ne respectent pas notre spécificité. Aussi, s’entendre dire qu’il n’y a qu’une vérité sonne à nos oreilles comme un couperet d’une insupportable intransigeance. Nous ne voulons pas d’un monde uniformisé. Chaque être humain est unique : c’est le Seigneur lui-même qui nous le révèle. Dieu est amour, il aime tous les hommes, mais pas en masse : il nous aime chacun. Jésus nous l’a déclaré dans l’Évangile : « dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ». Une maison aux nombreuses demeures : voilà l’image du paradis qui nous est proposée. Chacun y est respecté dans son unicité, tous sont accueillis dans la même maison.

Le Royaume annoncé par le Christ réunit deux priorités qu’humainement nous ne pouvons guère concilier : être ensemble sans être dilué ; être unique sans être isolé. Les auteurs de la chanson, qui nous trotte désormais dans la tête, proposent que nous ayons chacun notre chemin. Mais ce qu’ils ne disent pas, c’est dans quelle direction vont ces chemins divers ? Vont-ils tous à Rome comme le dit le proverbe ? Ou sont-ce des chemins qui s’entrecroisent et s’enchevêtrent dans toutes les directions sans aboutir à une destination commune ? Devant cette confusion, nous pourrions dire comme Thomas : « nous ne savons pas où tu vas ». Si nous avons chacun notre vérité, chacun notre vie : pouvons-nous nous rencontrer ? Ne sommes-nous pas condamnés à être irrémédiablement seuls : seuls sur notre chemin ; seuls dans notre vérité et seuls dans notre vie ?

Non, ce n’est pas le royaume dans lequel Jésus prépare notre place. Il nous indique une direction. Le royaume de Dieu n’est pas une promesse d’isolement mais de communion. Saint Pierre utilise l’image de la construction, de la demeure, de l’Église finalement où tous nous sommes des pierres vivantes. Dans cette église, il faut toute forme de pierre : chacune est utile. Des pierres d’une certaine densité pour les fondations, des pierres sculptées pour l’ornementation, des grandes pierres, des petites pierres. Toutes ont leur place. Dieu merci, notre Église n’est pas faite de parpaings uniformes : pas une ne ressemble à l’autre. Et même, c’est une pierre auparavant rejetée qui est devenue la pierre choisie, précieuse, pierre d’angle qui tient toute la construction.

Chers amis choristes, si vous appliquiez le titre de notre tube des années 90 comme règle de votre chorale : ce serait la cacophonie ! Chanter en chœur, ce n’est pas chanter chacun sa chanson, mais unir des voix différentes, de différents pupitres pour servir une beauté harmonique, une vérité symphonique.

Vous voyez, frères et sœurs, chers fidèles téléspectateurs, le Christ veut nous sauver ensemble, dans une Église large et accueillante. Sacrée ambition ! Avec les Actes des Apôtres, nous constatons que dès les débuts de l’Église, il y avait des problèmes : une différence de traitement et de considération entre grecs et hébreux. Les apôtres ont dû trouver le chemin de l’unité, le chemin du Christ en instituant les sept diacres. Ils ont dû retailler des pierres vivantes pour les inclure dans la construction. Ils ont dû accorder les voix pour que le chant redevienne harmonieux.

Tous nous sommes appelés, frères et sœurs. Chacun à sa place préparée par le Christ dans la maison du Père.
Pour y aller, nous savons le chemin : le Christ !
Nous savons qu’il est la vérité, le Christ !

Et pour ce qui est de la vie, rappelons-nous ce que nous en dit Saint Paul : « ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ».
Vivons du Christ, chers frères et sœurs : il nous donne sa vie ici, sur l’autel. Adorons-le !

 

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 Portrait de saint Paul, le converti

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