Quelle phrase merveilleuse que celle de Jérémie que nous venons d’entendre. Je suis ici ce matin ; j’écoute la radio ou je suis devant mon écran, non pas pour remplir mon devoir dominical, comme on disait jadis, mais bien, parce que le Seigneur m’a invité à cette célébration de l’amour. Et dans cette célébration de l’amour, il veut me saisir, lui, le Tout Amour.
Cette phrase de Jérémie nous rappelle qu’être chrétien, ce n’est pas d’abord suivre des idées si belles soient-elles, ce n’est pas suivre une morale, si juste soit-elle; non, être chrétien, c’est suivre quelqu’un avec qui j’ai, avec qui nous avons une relation d’amour; c’est donner sa vie à quelqu’un qui passe son éternité à vouloir nous séduire, qui veut faire une alliance et une alliance amoureuse avec chacun d’entre nous. Notre vie chrétienne n’est pas d’abord dans le « faire », mais dans « l’être » : je suis aimé de Dieu, infiniment ...
Depuis le jour de mon baptême, il ne cesse de me répéter : « Tu es mon enfant, mon fils, ma fille bien-aimé, en toi, je mets tout mon amour ! » Comment donc, ne sommes-nous pas plus joyeux, plus transfigurés ?
Faut-il vous rappeler que le jour de la Pentecôte, on a dit des chrétiens qu’ils étaient pleins de vin doux, qu’ils avaient trop fêtés, qu’ils étaient en route vers un bon mal de tête d’un lendemain de veille … Chrétien d’ici, et toi qui participes à cette eucharistie devant ta radio ou ton écran, sommes-nous vraiment, chacune et chacun, des éméchés spirituels ???
Et, en même temps, vous l’avez remarqué, au moment où Jérémie écrit ces mots, il n’est pas dans la palpitation d’un amour naissant, il n’est pas en train de vivre sa lune de miel avec le Seigneur, c’est même tout le contraire. Cette phrase est écrite au moment où il vit la raillerie, l’injure et la moquerie. Il a l’impression qu’il s’est fait rouler par le Seigneur. À ce moment-là, sa tête lui dit de ne plus vivre avec le Seigneur, mais son cœur lui dit le contraire : il ne peut pas lâcher cet amour qui l’a transfiguré.
Mes amis, cela peut nous arriver aussi. Devant la difficulté d’être chrétien aujourd'hui au cœur du monde, nous pouvons parfois être tentés de prendre nos distances par rapport au Seigneur. À ce moment-là, il nous faut faire comme Jérémie : quitter notre tête, nos raisonnements théoriques, intellectuels, et retourner à notre cœur. Sous la cendre de nos oublis et de nos indifférences, nous pourrons toujours retrouver la braise de notre amour pour le Seigneur et de son amour pour nous. Le vent de l’Esprit, que nous avons reçu à notre confirmation pourra toujours ranimer les braises du commencement. Pendant les moments difficiles, je vous invite à faire mémoire de la séduction qui a été la nôtre au début de notre attachement au Seigneur … et le vent de l’Esprit fera le reste !
L’Évangile nous montre Pierre. Pierre qui a eu cette séduction absolue pour Jésus, qui a tout quitté, et d’un coup, pour lui donner toute sa vie. Et, dès lors, on comprend que Pierre ne peut pas imaginer et encore moins accepter que Jésus, son ami, le cœur de son cœur puisse souffrir et être tué ... C’est tout-à-fait logique et compréhensible ... et pourtant, Pierre est à côté de la plaque et Jésus le lui dit d’une façon tellement catégorique que cela risque de nous heurter : « Passe derrière moi, Satan ! » Pauvre Pierre !
Tout est dans le « passe derrière moi ». Le disciple que nous sommes doit marcher derrière son Maître et non pas devant. C’est Jésus qui montre la route et non pas nous. Pierre est rempli de bons sentiments, mais il veut dire à dire à Dieu ce qu’il doit faire. Quelle tentation que de vouloir prendre la place de Dieu ! Nous devons permettre à Dieu d’être Dieu ... tout simplement.
Ce dimanche est celui qui ouvre le « Temps pour la Création » institué par le pape François à la suite de l’encyclique Laudato si’, ce merveilleux texte sur l’écologie intégrale.
Nous humains, ne nous sommes-nous pas pris pour Dieu, pour les maîtres du monde, comme le disait la réplique célèbre du film Titanic ?
François écrit : « Lorsque nous cherchons d’abord le royaume de Dieu, en maintenant une juste relation avec Dieu, l’humanité et la nature, alors la justice et la paix peuvent jaillir, comme un courant inépuisable d’eau pure, nourrissant l’humanité et toutes les créatures. »
Vous l’avez entendu : juste relation avec Dieu, juste relation avec la Terre et juste relation avec ses habitants. Les trois. Il est temps de faire la paix avec la Terre que nous avons tellement malmenée et que nous malmenons encore ; il est temps de faire la paix sur la terre entre les hommes et les peuples. Il est plus que temps de mettre à l’œuvre ici à Amay et partout où vous nous suivez, des actions si petites soient-elles, en paroisse, en communauté ; des actions qui créent plus de justice entre les femmes et les hommes de notre temps.
C’est ce qu’on appelle une conversion éco-spirituelle ! La Terre et ses habitants ne font qu’un. Si la paix et la justice croissent, notre amour envers le Seigneur grandira aussi ; il sera comme un fleuve d’eau vive.
La Meuse, le fleuve qui coule ici à quelques mètres de cette Église a donné vie à une immense vallée il y a des centaines et des centaines d’années. Quelle belle icône de demain : donner de la vie, redonner la vie à notre monde, recréer le monde… mais seulement si nous le voulons et à ta suite, Seigneur.
Amen.
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